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Solidaris a pris connaissance des mesures précises décidées sur le secteur des indemnités.

 

Bruxelles, le 27 novembre 2025

 

La mutualité rappelle qu’elle est très attachée à l’accompagnement des travailleurs malades vers l’emploi. 70% de ceux-ci veulent retourner au travail, mais pas au détriment de leur santé, selon notre dernier Thermomètre santé & travail. C’est pourquoi, les conditions pour que les reprises durent dans le temps dépendent beaucoup de la capacité à “humaniser” l’accompagnement et à aménager l’emploi qui les attend.

 

Or, les mesures prises sur les malades de longue durée sont purement budgétaires et ne constituent ni une politique de santé, ni une politique d’accompagnement de retour au travail. Il s’agit plutôt d’une marche forcée du “retour au travail” des malades de longue durée. C’est un recul important dans les droits des travailleurs malades indemnisés. Il s’agit aussi d’un calcul contestable qui n’atteindra pas l’objectif escompté du retour au travail de 100.000 personnes malades.

 

Des estimations budgétaires illusoires

 

La réforme du ministre ambitionne une augmentation des sorties d’invalidité (sur base des pourcentages observés dans les contrôles thématiques de l’INAMI) et une hausse des reprises partielles. L’objectif est d’atteindre 20% de malades de longue durée en moins, soit l’équivalent de 100.000 personnes, en 2030. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement se base sur les résultats du dernier contrôle thématique de l’INAMI (768 dossiers très spécifiques) pour extrapoler, à l’ensemble des 526.000 cas existants, l’impact d’un contrôle supplémentaire. Le gouvernement considère que 20% des malades de longue durée peuvent revenir au travail car, dans l’échantillon non représentatif de l’étude de l’INAMI, 17% pouvaient, selon l’étude, revenir au travail.

 

Les estimations budgétaires effectuées sur cette base sont donc très largement contestables et surévaluées. Dans les faits, à moins de forcer des malades à retourner au travail sans suivre l’avis des médecins, il y a peu de chances que l’objectif du gouvernement soit rempli.

 

Rappelons que l’évaluation de l’incapacité de travail relève d’une compétence strictement médicale. Il est donc essentiel de s’appuyer sur des constats fondés et sur l’expertise des professionnels de santé. Le débat public est pollué par des généralisations et des commentaires approximatifs, formulés sans connaissance suffisante du terrain médical.

Pour Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris :

  • “La stigmatisation organisée aujourd’hui brouille un enjeu de santé publique majeur. Elle divise la population, alors que la sécurité sociale est justement faite pour protéger chacun et renforcer la cohésion sociale.”

Pour atteindre son objectif, le gouvernement impose un contrôle annuel obligatoire supplémentaire effectué par le médecin traitant du malade. Solidaris souscrit entièrement à l’idée d’impliquer davantage le médecin-traitant, dans un esprit de collaboration avec les médecins-conseil et les médecins du travail, afin de favoriser la guérison et le retour au travail, s’il est médicalement possible. Cependant, le diagnostic de l’invalidité doit être le plus robuste possible. Or, l’enjeu aujourd’hui est de pouvoir aligner ce diagnostic lorsqu’il y a plusieurs médecins différents qui s’expriment sur la situation médicale d’un patient. C’est à cette homogénéisation de la pratique du diagnostic que nous devons nous atteler.

 

Le vrai problème, ce ne sont pas les malades, c’est le travail qui les rend malades.

 

“Quand une personne tombe, dans quelle société ceux qui gouvernent la piétinent encore un peu plus ? Un pouvoir digne devrait tendre la main, la relever, et regarder en face ce qui l’a fait tomber”, déclare Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris.

En effet, le gouvernement ne répond jamais aux causes des maladies de longue durée. Pire que ça, une série de leurs mesures ne fait qu’aggraver les causes.

 

84 % des médecins du travail constatent une augmentation des troubles liés aux conditions de travail, selon notre dernier Thermomètre santé & travail.

 

Le gouvernement a réussi à résumer, dans un document budgétaire, le paradoxe fondamental de son approche des malades de longue durée. D’un côté, il renforce les contrôles et multiplie les sanctions contre celles et ceux qui ne rentrent pas assez vite dans le trajet de remise au travail. De l’autre, il aggrave les causes structurelles de la maladie :

  • Il pousse à davantage de flexibilité via plus d’heures supplémentaires, élargissement du travail de nuit et du dimanche,
  • il organise des pertes d’emploi dans certains secteurs publics et non marchands, ce qui alourdit encore la charge de ceux qui restent,
  • et il prolonge les carrières en retardant l’âge de la retraite.

 

Bref : il serre la vis sur les victimes tout en alimentant ce qui fabrique la maladie.

 

“Ce sont des pyromanes déguisés en pompiers : ils allument l’incendie et puis punissent les victimes en les rendant responsables”, déclare Jean-Pascal Labille.

 

Par ailleurs, les réformes successives du chômage ont systématiquement eu des effets d’éviction vers l’invalidité : chaque restriction du chômage produit mécaniquement un déplacement d’une partie des chômeurs fragilisés vers l’incapacité de travail. Autrement dit, la mesure d’exclusion du chômage après deux ans, prévue pour janvier 2026, va augmenter les flux d’entrée vers la maladie, là où le plan prétend les réduire.

 

La santé mentale dans le viseur

 

Les personnes dans le viseur de la mesure du gouvernement sont plus spécifiquement les malades souffrant de troubles de santé mentale. En 2021, 37% des malades l’étaient pour cause de santé mentale. Or, rappelons que les problèmes de santé mentale explosent dans notre pays. Solidaris vient de sortir une étude sur la santé mentale qui révèle notamment que les structures de soins sont saturées et sous-financées.

 

Une société responsable soigne les malades qu’elle a engendrés et fait tout pour que ça n’arrive plus à nouveau.

 

Les emplois en pénurie créent des travailleurs malades

 

72 % des personnes en incapacité travaillaient dans des secteurs à hauts risques professionnels. Ces secteurs regroupent la majorité des emplois en pénurie aujourd’hui : construction, transports, soins, HORECA, nettoyage… C’est dans ces secteurs que l’Arizona souhaite envoyer, sans amélioration structurelle des conditions de travail, 180 000 personnes exclues du chômage en 2026. Il y a là un risque élevé de fabriquer les malades de demain.

Par ailleurs, 63 % des malades ont plus de 50 ans. Le gouvernement pense-t-il vraiment réaliste de pouvoir reconduire une population déjà abîmée par le travail dans les métiers pénibles ?

 

Si le gouvernement persiste dans sa logique, les rechutes vont augmenter et les malades vont tout simplement continuer à croître.

 

Adapter le travail à l’humain

 

Pour diminuer le nombre de malades de longue durée : le travail doit s’adapter aux besoins de l’humain, pas l’inverse. Ce n’est pas à l’humain de se plier aux exigences du marché, au détriment de sa vie.

 

Nous voulons que les gens puissent profiter de leur famille après la journée de travail et après leur carrière. Et pour ça, il faut être autonome et en bonne santé. Pour y arriver, il faut que les travailleurs soient protégés face aux exigences parfois asphyxiantes du marché du travail. Une société responsable prévient et guérit. C’est la seule manière de faire diminuer le nombre de malades de longue durée. Il faut donc travailler sur deux plans :

  • Premièrement, il faut arrêter les mesures qui rendent les travailleurs malades (flexibilisations et allongement du départ à la retraite).
  • Deuxièmement, il faut changer l’approche sur le travail.
  • Pour les personnes déjà malades, il faut investir davantage dans des accompagnements réellement humains : du temps, des équipes pluridisciplinaires, et des parcours de réinsertion sur mesure, construits avec le patient plutôt que contre lui, appuyés par un suivi médical de qualité et continu. Il faut une triangulation entre entreprises, médecins et mutualité.
  • Ensuite, il faut s’attaquer aux causes en amont en améliorant fortement les conditions de travail, avec des mesures particulièrement ambitieuses dans les secteurs les plus pénibles, ceux qui fabriquent le plus de maladies.
  • Enfin, il faut repenser la fin de carrière : certains métiers usent les corps toute une vie (nettoyage, bâtiment, soins, etc.) et rendent illusoire l’objectif de travailler jusqu’à 67 ans. Pour ces travailleurs, il faut des dispositifs clairs de prévention renforcée, d’aménagement du travail et de sortie progressive.

Jean-Pascal Labille conclut :

  • “Un travail qui rend heureux est un travail qui respecte le corps, la tête, et qui contribue positivement à la société”